Photographie: Julie de Waroquier
« C’était un matin comme tous les autres. Un matin où personne ne se regarde dans le métro. Un matin où l’on s’interroge encore et encore sur son passé. Un matin où le goût des cendres est encore dans la bouche suite à une dispute qu’on regrette avec amertume. Cela vous est déjà arrivé ? De vous sentir si vide que l’unique idée de fréquenter d’autres personnes vous donne envie de pleurer ? Au lieu de cela, je suis parmi ces étrangers dont la vie ne doit pas différé tant que ça de la mienne. Il y a bien cette femme très maquillée qui n’arrête pas de sourire en regardant son téléphone intelligent. Dois-je me réjouir pour elle ou la blâmer d’être attaché à une si petite chose ? Ou encore ce gars qui écoute de la musique, bougeant la tête si fort que cela effraye son voisin qui se tasse comme il peut dans un coin. Dois-je croire que sa vie, ce matin, est plus fanfaronne que la mienne ? Je décide que non. Je baisse les yeux – c’est mieux pour tout le monde – et j’attends d’arriver à ma station.
Sauf que j’étouffe. Mon cœur est tellement profond dans ma poitrine que j’aurai le goût d’aller le chercher. Mais je ne peux pas, ce n’est pas le moment. Les portes s’ouvrent avec fracas, on me bouscule dans le mouvement. Comme d’habitude. A croire que l’humain ne sait plus gérer son espace dès qu’il y a un minimum de dix personnes aux alentours. Pas grave. Mon cœur se crispe encore plus fort protéger derrière les côtes. C’est mieux ainsi. S’il se cache, sans doute qu’on ne le verra plus et que je souffrirai moins. Sans doute, mais pourquoi je ressens ce mal être alors ?
Déjà ma station. Je descends. Aujourd’hui j’ai pris un certain soin à m’habiller. Il paraît qu’il faut donner le change, et même que ça peut être thérapeutique après un chagrin. Vous voulez savoir comment je me sens dans ma petite robe estivale ? Une moins que rien. Pourtant il n’y a qu’une chose qui me manque. La chose essentielle. Mais j’avance parmi la foule. Mon regard se fait fuyant mais personne ne le remarque. Mes lèvres attirent davantage l’attention avec leur carmin et ça me va très bien comme ça. Du moins c’est ce que je me force à croire. J’évolue dans le paraître depuis tellement longtemps que j’oublie d’habitude que ce n’est pas moi. Sauf aujourd’hui.
Car aujourd’hui est différent. Mon cœur m’assène chacun de ses battements pour me rappeler que j’ai perdu une personne que j’aime. Ce n’était pas une dispute comme les autres. Je me souviens des bons moments, le passé m’aspirant comme un gouffre. Je regarde à l’intérieur de moi et je hurle, comme pour rappeler mon cœur à l’ordre. Il y a l’écho de ma voix dans ma tête et toujours pas de cœur. A moins que…oui, un morceau. J’entrevois un de ses morceaux. Brisé. Il l’est. Et chacun de ces morceaux que je n’ai pas récupéré me transpercent l’âme. C’est à ça que ressemble le néant ? Empalée dans un ballet d’émotions ?
Je sors de la station de métro. Le soleil me sourit. Je lui accorde à peine un regard. Je fuis. Je me fuis peut-être. Je l’ai fais depuis le début de cette rencontre. J’ai voulu suivre un chemin qui n’était pas le mien. Ça me revient en pleine face tandis que je marche pour aller travailler. C’est là où est ma place. C’est ça que je veux me forcer à croire. Mais plus j’avance, plus mon cœur m’irrite. Devrais-je éternuer face à ce que je rejette ? Sans aucun doute. Je devrais laisser aller cette peine hors de moi. Mais je préfère jouer la condamnée. C’est ainsi dans la vie. Un deuil ne se fait pas du jour au lendemain.
J’avance encore jusqu’à m’arrêter. Ce n’est pas le deuil d’une relation que je vis. C’est le deuil de moi-même. On naît et on meurt plusieurs fois dans une vie, vous le saviez ? Je l’apprends. Comme un enfant, je n’ai aucune idée de comment évoluer dans cette vie. Pourtant, j’ai un travail, des amis…alors pourquoi je me sens – à nouveau – si seule. C’est une sensation d’abandon telle, que j’ai l’impression que je pourrai sauter d’un pont et que mon cœur ne pourrait pas aller se loger aussi profond qu’il l’est actuellement. Est-ce que je m’aime ? Maintenant ? Personne ne m’a appris à le faire, comment pourrais-je ? Et pourtant, quelque part dans ces profondeurs, quelque chose fait que je suis toujours debout. L’instinct de survie ? Car c’est ça que je fais non ? Survivre à cet autre jour, puis à un autre et encore un autre. Le temps estompe toutes les blessures…et les cicatrices ? Elles restent. Pour celui qui ne changent pas, elles restent. Pour les autres ? Elles tendent à disparaître. Car nous muons n’est-ce pas ? Alors, en fonction de sa profondeur, tôt ou tard elle disparaît.
Je vous le dis. Je ne porte plus de carmin sur mes lèvres aujourd’hui. C’est un autre jour et le soleil continue de me sourire. La différence ? Moi. C’est l’unique qu’on peut avoir dans cette vie. Alors pourquoi se priver d’être différent ? Pourquoi se priver de renaître à soi-même ? C’est la plus belle naissance qu’il m’ait été donné de voir…plusieurs fois…en une seule vie.
Soyez à l’image du soleil et brillez. »
Ozalee – Farah Sahbi
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https://alchimiedesmots.wordpress.com/2014/08/08/le-soleil-nous-sourit/
Ceci est une création personnelle (pour le texte) Image internet.
C’est un très beau texte, écrit presque comme une nouvelle, avec un retournement soudain. Il me touche. Merci. 🙂
Merci Sylvie 🙂
mdr… je précise que ce n’est pas moi qui ai choisi l’avatar qui apparaît à côté de mon nom sur ce site !!
Rassures toi, j’en ai bien conscience, c’est totalement aléatoire…et pas super joli, mais bon, pas le choix ^^